Cadre de remédiation : « Attendre c’est autant d’occasions manquées »
Le cadre de remédiation a occupé le devant de la scène pendant la première journée de l’assemblée générale du Forest Stewardship Council (FSC).
« M37 » n’est peut-être pas un titre très accrocheur, mais la motion s’attaque aux questions les plus anciennes et controversées qui se posent au sein du système FSC :
Les sociétés qui étaient impliquées dans des conversions de terres et ont été dissociées seront-elles autorisées à revenir dans le système ?
Tandis que les ONG, entreprises, leaders de groupes autochtones et autres parties prenantes affluent dans les salles de conférence à l’occasion de l’assemblée générale 2022 du FSC à Bali, c’est vers le cadre de remédiation que semblent converger l’attention de la plupart des participants et participantes.
« Est-ce qu’une entreprise impliquée dans la conversion des terres pendant seulement deux ans devrait vraiment être autorisée à revenir ? C’est peut-être une question complexe, toujours est-il que ça ne me semble pas justifié », remarque quelqu’un pendant une des premières séances de la chambre sociale, déclenchant un débat qui occupera le devant de la scène de la première journée.
ISi une entreprise certifiée FSC viole le standard en pratiquant une conversion forestière contraire au standard ou qui viole les droits des populations qui y vivent, elle sera dissociée du FSC et de ce fait coupée du marché.
Avec le cadre de remédiation, le FSC propose une feuille de route pour aider ces entreprises à réintégrer le standard, afin de réparer les dommages causés et avoir recours à la restauration de forêts et de paysages dégradés pour montrer qu’elles évoluent.
« Nous souhaitons retrouver la famille »
Avec un chiffre d’affaires qui se compte en milliards de dollars, Asia Pulp & Paper (APP) fait partie des principaux producteurs de pâte à papier et de papier de la région. APP est également la première entreprise à avoir été dissociée (2007) du FSC.
Elim Sritaba, directrice en charge du développement durable chez APP, s’est exprimée sur la lenteur du processus de réassociation avec le système FSC. Cependant, elle espère que ses membres comprendront l’intérêt que représente la réintégration des entreprises dissociées dans le système FSC par le biais de la feuille de route et voteront pour la motion 37.
« Nous y travaillons depuis 2014, lorsque je suis entrée chez APP mais ce processus n’a jamais cessé. Le FSC est structuré de manière à former une organisation multipartites et inclusive – c’est une famille et nous voulons en faire partie et commencer à le mettre en place dans un esprit d’amélioration continue au fil de la feuille de route », a-t-elle précisé.
Putera Parthama, membre indonésien du FSC et ancien directeur général du ministère indonésien de l'Environnement et des Forêts est lui aussi optimiste.
« Convertir des terres pour des plantations et de l’agriculture était un volet de la politique du gouvernement. Elle était nécessaire pour un pays en développement à la démographie galopante. Aujourd’hui, les conversions de ce type n’ont plus cours. Il n’est pas raisonnable que ces entreprises soient écartées du système FSC », a affirmé M. Parthama.
« Toutes les parties prenantes indonésiennes qui ont participé à ce processus depuis de nombreuses années maintenant attendent qu’il reprenne », a-t-il ajouté.
Jens Kanstrup, délégué de Forests of the World, a affirmé que l’ONG danoise voterait contre la motion 37 si la motion 45 n’était pas votée au préalable :
« Notre réputation est en jeu ici. Pas celle du FSC. En votant pour la motion nous risquons de nuire à notre crédibilité, si la procédure de remédiation ne produit pas des résultats suffisants pour justifier la réassociation des entreprises impliquées par le passé dans des conversions. Nous ne pouvons pas nous le permettre », a-t-il expliqué.
La motion 45 donnera lieu à des modifications supplémentaires du cadre de remédiation et fait craindre un retard significatif dans le déroulement du processus.
Pointant l’absence de répercussions contre les entreprises qui violent le standard, Greenpeace International a quitté le FSC en 2018 : « la motion 37 va dans la bonne direction mais affiche de sérieux problèmes techniques en termes de définitions qui pourraient avoir des conséquences imprévisibles majeures », a déclaré Grant Rossoman, Senior Advisor.
Naviguer entre les deux bords n’est pas chose facile pour le FSC et explique pourquoi la bataille s’éternise, a déclaré Jon Jickling, directeur adjoint de Preferred by Nature:
« À quelle hauteur devrions-nous placer la barre ? Si le FSC n’a pas d’influence sur ces entreprises, il n’y aura pas d’impact. Il y aura toujours des opinions et des intérêts divergents au cœur de ce système. Malheureusement, attendre c’est autant d’occasions manquées », a-t-il affirmé.
Sortir de la paralysie
Avec la motion 37, le seuil de conversion des terres passera de 1994 à 2020, ce qui permettra à de nombreuses entreprises d’obtenir la certification. Jon Jickling prend l’exemple du caoutchouc, un secteur où le seuil actuel empêche des milliers de petits propriétaires de prétendre à la certification.
« Plus de 50 pour cent du caoutchouc est produit sur des terres converties après 1994. Il est important de permettre à ce secteur d’entrer dans le système FSC et d’obtenir des engagements pour diminuer la pression sur les forêts alors que la demande en caoutchouc augmente », a déclaré Jon Jickling.
Selon le directeur adjoint, Preferred by Nature va voter « oui » au cadre de remédiation.
« Est-ce parfait ? Non. Mais c’est un pas dans la bonne direction pour sortir de la paralysie dans laquelle nous nous trouvons depuis plus de dix ans », a-t-il ajouté.