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Le FSC™ n’est pas la solution miracle contre le commerce illégal du bois en Ukraine

Par Kar Kay

En Ukraine, l'industrie du bois est marquée par l’exploitation illégale, les scolytes et la corruption. Alors que les certificats FSC sont en plein essor, du fait de la volonté de l’industrie forestière d’augmenter ses ventes vers l’Union européenne, une faille fondamentale dans le système d’audit laisse la porte ouverte à la fraude.

L’épidémie de corruption, la faiblesse de la diligence raisonnée et la réticence des États membres de l’Union européenne à faire respecter le droit européen ont permis à d’énormes quantités de bois ukrainien illégal d’arriver sur le marché européen.

Un rapport cinglant publié par l’ONG britannique Earthsight en 2018 dépeint un tableau sombre de l’industrie du bois en Ukraine et associe le nom d’importantes marques européennes à de grands volumes d'importation de bois illégal provenant du pays actuellement déchiré par un conflit.

D’après les conclusions de Earthsight, 40 pour cent du bois ainsi produit par les entreprises en majorité détenues par l’État ukrainien est coupé illégalement ; ce trafic exploite des failles comme la coupe sanitaire et alimente un commerce de bois ukrainien illégal d’une valeur nette de plus d’un milliard d’euros par an. 

Justinas Janulantis
Une faille du système FSC menace la crédibilité de l’industrie de la certification, affirme Justinas Janulaitis, directeur technique de NEPCon. Photo : Justinas Janulaitis.

Des scolytes rentables

De grandes zones forestières d’Europe centrale et de l’est sont actuellement lourdement infestées par des scolytes et les maladies se propagent au-delà des frontières. Pour sauver les arbres sains, le seul remède qui fonctionne vraiment est de couper les plantes malades, et même des forêts entières, afin de créer des zones tampons.

Si la coupe sanitaire est légale, les gestionnaires de forêts sont suspectés d’exagérer largement la taille des zones touchées pour augmenter le volume de bois qu'ils peuvent transformer en activité rentable. C’est un problème bien connu de Justinas Janulaitis, directeur technique et responsable régional de NEPCon Europe, l’un des plus grands organismes certificateurs du FSC (Forest Stewardship Council) opérant en Ukraine. 

« Parfois ces scolytes semblent sortir de nulle part, de manière un peu trop miraculeuse pour les propriétaires de forêts », explique Justinas Janulaitis. 

« Mais la coupe sanitaire reste sans aucun doute une pratique valable. Les forêts sont lourdement affectées par de mauvaises conditions sanitaires et par des maladies, sans doute liées au changement climatique. Et pour protéger les arbres sains, les gestionnaires de forêts doivent toujours avoir une longueur d’avance », affirme Justinas Janulaitis.

Au cours des audits FSC, les contrôleurs NEPCon analysent toutes les informations disponibles sur l’état sanitaire de la forêt, vérifient les documents portant sur les règles sanitaires et effectuent des visites aléatoires dans les endroits où des coupes sanitaires sont prévues ou ont déjà été effectuées.

« La différence entre ce qu'il est nécessaire de couper de manière préventive et ce qui effectivement abattu est très difficile à documenter », affirme Justinas Janulaitis.

Jusqu’ici, les tests effectués sur des échantillons par les contrôleurs de NEPCon n’ont pas permis d’apporter de preuves d’activités illégales concernant ce type de gestion forestière. L’analyse d’échantillon est un outil standard utilisé par les organismes certificateurs, mais son efficacité est limitée, surtout si le client dissimule volontairement des activités illégales.

Une tendance à la corruption

L’utilisation illégale de coupes sanitaires n’est cependant pas le seul problème que rencontrent les forêts ukrainiennes. Les tronçonneuses qui déciment actuellement des forêts uniques dans toute l’Ukraine sont également encouragées par la corruption qui caractérise toute l’Agence nationale des ressources forestières (SAFR), puissant organisme en Ukraine.

À la suite des publications du rapport Earthsight en 2018, le WWF a communiqué de nouvelles données suggérant que, chaque année, jusqu’à 1,4 million de mètre cube de bois est abattu illégalement dans la chaîne de montagnes des Carpates.

Et en novembre 2018, les experts de l’UE ont émis un compte-rendu de mission qui décrit la SAFR comme « ayant une véritable tendance à la corruption ».

Sam Lawson, directeur exécutif de Earthsight, est convaincu que le niveau de corruption du secteur forestier ukrainien et le manque de contrôle indépendant de la SAFR ont de graves conséquences sur les programmes de certification comme le FSC.

« En définitive, les solutions aux problèmes rencontrés en Ukraine résident en Ukraine : le mode de gestion des forêts doit changer pour améliorer la gouvernance et réduire les risques d’illégalité et de corruption. Pour ce qui est du FSC, apporter quelques changements à son implantation en Ukraine pourrait améliorer quelque peu les choses, mais nous sommes convaincus que, en fin de compte, des modifications profondes seront nécessaires dans les systèmes principaux et la structure mondiale du FSC pour le préparer au 21ème siècle. Les problèmes du FSC observés en Ukraine ne se limitent pas à ce pays », affirme Sam Lawson. 

Bien que les auditeurs soient compétents dans l’analyse de fraudes potentielles, l’objectif de leur travail n’est pas de faire la police dans l’industrie forestière, insiste Justinas Janulaitis, mais de s’assurer que le client est conforme à des normes spécifiques. 

« Nous sommes, bien sûr, particulièrement attentifs aux marques de falsification de la documentation. Par exemple, nous pouvons vérifier que l’état réel de la forêt correspond aux données fournies dans les documents. Cependant, si l’intégralité du système est corrompue, cela devient plus difficile », ajoute Justinas Janulaitis.

Essor du FSC 

Depuis 2013, les forêts ukrainiennes ont obtenu des certificats FSC à la vitesse de la lumière. De nouvelles lois et réglementations, comme le Règlement sur le Bois de l’UE (RBUE), ainsi que la hausse de la demande en bois certifié FSC, ont rendu difficile l’entrée de produits non certifiés sur les marchés au sein de l’Union européenne.

« Un marché comme le Royaume-Uni est presque impossible à atteindre sans une certification FSC ou une autre preuve de légalité », explique Justinas Janulaitis.

Par conséquent, le nombre d'unités forestières certifiées par NEPCon est passé de manière stupéfiante de 115 000 hectares en 2013 à 1,9 million en 2019, c’est-à-dire près de la moitié des quatre millions d’hectares de forêts ukrainiennes.

Bien que l’essor de la certification ait amélioré la foresterie en Ukraine, les programmes de certification restent parfois aveugles à certaines choses.

En février 2019, la FSC a annulé le certificat de sept entreprises ukrainiennes lorsque l’organisme a découvert qu’elles vendaient du bois non-certifié comme du bois certifié FSC en exploitant une faiblesse du système de chaîne de contrôle FSC.
 

FCS boom
Hausse des certifications FSC émises par NEPCon. Source : NEPCon.

 « Une défaillance grave » 

Le système de suivi FSC est basé sur un contrôle papier. Lorsque les auditeurs inspectent une entreprise de bois, ils vérifient les factures pour déterminer si le volume de bois certifié acheté correspond à la marchandise certifiée dans les factures de vente.

« Mais si quelqu’un veut frauder volontairement, il peut le faire très facilement en réalisant deux exemplaires de la facture de vente. L'une avec les fausses informations concernant le statut FSC, qu’il envoie au client, l’autre sans les certifications FSC, qu’il nous montre », détaille Justinas Janulaitis.

Le FSC a déjà fait plusieurs tentatives pour améliorer le système, en créant notamment une plateforme de déclarations en ligne, mais le problème est loin d’être réglé. À l’heure actuelle, la seule autorité mandatée pour vérifier tous les documents est l’organisation Assurance Services International (ASI), qui supervise les organismes certificateurs agréés par le FSC.

« C’est une défaillance grave qui nuit déjà à la crédibilité de l’industrie et de l’intégralité du système FSC. Le système de chaîne de contrôle n’est certainement pas une solution miracle, ni en Ukraine, ni ailleurs. Le FSC doit régler ce problème. Et vite », affirme Justinas Janulaitis.

Dans une réponse écrite à cet article, le FSC International explique que la résiliation de sept certificats cette année prouve que « le FSC prend des mesures rapides contre les entreprises qui ne respectent pas ses principes ».

En octobre 2019, le ministère ukrainien de l’Énergie et de l’Environnement a promis d’augmenter encore « la couverture forestière et la certification des forêts conformément aux critères FSC ».  

 

Cet article a été élaboré avec le soutien du Programme LIFE de l’UE. La Commission européenne (donatrice) n’est pas tenue responsable des affirmations ou opinions présentées dans ce document. Le soutien de la Commission européenne à la rédaction de cet article ne constitue pas une adhésion au contenu qui reflète uniquement le point de vue de ses auteurs. La Commission ne peut être tenue responsable de l’usage fait des informations qu'il contient.


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