Pour une restauration des écosystèmes efficace, le monde a besoin de suivi et d’évaluation
La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes souligne l'importance de la restauration des écosystèmes pour enrayer la perte de biodiversité et faire face au changement climatique, tout en relevant d'autres grands défis sociétaux. Le monde s'est fixé pour objectif de conserver au moins 30 % de nos terres et de nos eaux d'ici à 2030, et cette année approche à grands pas. Il s'agit d'un moment charnière pour la conservation et la restauration de la nature.
Il est urgent de surveiller efficacement les impacts et de partager les résultats des projets de restauration des écosystèmes.
Le dernier rapport sur la situation des forêts du monde 2022 par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) met également en exergue trois solutions visant à soutenir la relance verte et à lutter contre des crises planétaires multidimensionnelles, notamment le changement climatique et la perte de biodiversité, à mettre un terme à la déforestation et préserver les forêts, à restaurer les terres dégradées et développer l’agroforesterie et à assurer une utilisation durable des forêts et créer des chaînes de valeur vertes.
De fait, pour chaque dollar investi dans la restauration des forêts dégradées, un bénéfice économique est généré de l’ordre de 7 à 30 dollars, selon le rapport 2017 du World Resources Institute. Même si les bénéfices l’emportent sur les coûts, il manque 300 milliards de dollars chaque année pour financer la restauration des paysages.
Prenons comme exemple la plantation d’arbres, les projets de restauration utilisent fréquemment le nombre d’arbres plantés comme indicateur de performance. Mais la plupart du temps, ce dernier ne prend pas en compte la durée de vie de ces arbres. Différents critères doivent être retenus, comme planter les bons arbres au bon endroit, prendre soin des arbres après la plantation et s’intéresser aux causes initiales de la dégradation, comme les besoins sociaux et économiques. Si les initiatives de reforestation ne bénéficient pas d’une planification, d’une mise en œuvre et d’un suivi adéquats, leurs objectifs risquent d’être compromis. La communauté internationale a demandé que cette question soit abordée de manière sérieuse et ciblée.
Ces dernières années, plusieurs initiatives ont vu le jour, parmi lesquelles le Défi de Bonn, lancé en 2011, qui vise à restaurer 350 millions d’hectares d'ici 2030. L’Initiative 20x20 a démarré la même année avec l’objectif d’atteindre 50 millions d’hectares à l’horizon 2030. Quant à la campagne Trillion Trees initiative, commencée en 2016, s’engage sur une perspective d’un trillion d’arbres à travers le monde d’ici 2050.
Cependant, les progrès réalisés jusqu’à présent sont modestes. Il est donc crucial de suivre attentivement ce qui se passe et comment, et de trouver des solutions pour combler les éventuelles lacunes. Par conséquent, un suivi continu et l’accès à des données et des informations fiables sont incontournables. Il est nécessaire pour ce faire de mettre en place des systèmes adaptés de suivi et d’évaluation.
En mai dernier, le secteur mondial de la foresterie s’est réuni en Corée autour de la Déclaration de Séoul sur les forêts. Le groupe a lui aussi plaidé pour le développement continu et l’utilisation de technologies et mécanismes innovants afin d’aboutir à des prises de décision fondées sur des données probantes sur les écosystèmes.
Preferred by Nature a apporté sa contribution en publiant une version actualisée de son Standard pour la restauration des écosystèmes pour le suivi et le reporting. Le standard fournit un cadre qui aide à répondre non seulement à des préoccupations environnementales mais aussi à des besoins de la sphère sociale, élément essentiel pour mener à bien tout programme de restauration.
Standard de restauration des écosystèmes – une série de principes directeurs sociaux et environnementaux pour évaluer les initiatives de restauration
Ce standard international a pour objectif d’évaluer les performances de restauration des écosystèmes sur le terrain, dans les biomes tropicaux, tempérés et boréaux. Évalué par une partie tierce, le processus fournira une étude indépendante des activités de restauration du projet.
AlVelAl est un projet de restauration des écosystèmes espagnol qui vise à se déployer sur plus d’un million d’hectares dans plusieurs régions du sud-est de l'Espagne, englobant différents écosystèmes, notamment de larges espaces de sols dégradés soumis à une importante sécheresse. Le consortium de partenaires a démarré le projet en 2017 et obtenu un engagement de financement sur vingt ans pour atteindre ses objectifs à long terme. Procéder à une vérification par rapport au standard aide AlVelAl à apporter de la transparence et à rendre des comptes sur ses activités en cours et ses cibles à long terme et à communiquer ces éléments d’information à ses parties prenantes.
« Obtenir la vérification selon le Standard pour la restauration des écosystèmes de Preferred by Nature a constitué pour AlVelAl une étape importante en termes de confiance pour nos collaborateurs et financeurs. C’est une reconnaissance du travail exceptionnel réalisé par l’organisation et ses membres depuis sept ans », raconte Elvira Marín, coordinatrice de projet pour AlVelAl.
L’agriculture durable est aussi l’une des composantes du projet AlVelAl. L’organisation s’est associée à des partenaires locaux pour restaurer la qualité des sols et promouvoir des pratiques durables d’utilisation des terres au sein du secteur agricole du territoire.
« Étant donné l’importance croissante de la restauration et les initiatives mises en place, les fondateurs, les investisseurs et autres parties prenantes ont besoin de trouver des solutions pour suivre les progrès », déclare Mateo Cariño Fraisse, directeur du programme Utilisation des terres chez Preferred by Nature.
« L’année dernière, nous avons été heureux de constater que plusieurs projets dans différents pays, pour des écosystèmes aussi divers que des mangroves, des forêts, des zones arides, des terres agricoles, des montagnes, etc. ont utilisé ce standard et le processus d’évaluation pour les aider à communiquer sur leur travail »’ ajoute-t-il.
Le standard offre une solution pratique, cohérente, rigoureuse et efficace pour évaluer et suivre les performances environnementales, sociales, économiques et techniques d’activités de restauration des écosystèmes sur le terrain de toutes tailles. Il permet de démontrer efficacement les performances et l’évolutivité de la gestion.
Le Berea College aux États-Unis est situé au cœur d’une forêt luxuriante dont l’institut est propriétaire. Des activités de restauration ont été mises en place dans certaines parties de ce territoire de 3592 hectares. Il s’agissait au départ de restaurer une forêt mixte de chênes et de pins et des prairies naturelles. L’université combine la plantation d’arbres d’espèces indigènes, le brûlage dirigé, la plantation d’enrichissement en chênes et pins et des activités associant l’éclaircissage et le dégagement pour stimuler la croissance des espèces désirées. L’université s’appuie sur le Standard de restauration des écosystèmes pour vérifier si la restauration mise en place va dans la bonne direction et prend en compte les conditions sociales et environnementales des zones concernées.
Le standard est unique car il met l’accent sur l’implication auprès des communautés et cultures locales souvent mises à l’écart des programmes, axés pour la plupart sur la plantation d’arbres.
CAF El Alamo, organisation dédiée à la protection de l’environnement dans le Chili central, a développé une approche de gestion intégrée respectueuse des sols, des eaux et des ressources vivantes partagées par les forêts. Elle utilise aussi le standard pour optimiser ses opérations, pas seulement en termes de gestion mais également sur les plans social et environnemental
Prendre en considération les caractéristiques socio-économiques
La restauration des écosystèmes est un processus qui contribue au rétablissement d’un écosystème. Cependant, réaliser le suivi et l’évaluation d’un projet avec l’implication et la participation de la communauté concernée est un élément crucial.
L’initiative de reforestation d’Eden Projects à Mahajanga a récemment eu recours au Standard de restauration des écosystèmes de Preferred by Nature. Les estuaires de mangrove le long de la côte malgache ont été endommagés, se sont transformés en bancs de boue et sont devenus plus vulnérables aux aléas climatiques. Le projet a démarré en 2007 avec l’aide de la communauté locale dans une zone dont le gouvernement est légalement propriétaire. En un peu plus d’une décennie, les efforts déployés à Mahajanga ont donné naissance à une forêt florissante et des écosystèmes aquatiques sains ont aussi réapparu. Le processus de vérification selon le standard apporte également à Eden Projects de nouvelles idées pour améliorer ses pratiques de restauration.
Une restauration fructueuse d’un écosystème ne peut ignorer les considérations économique, sociale et communautaire. Pour ce faire, des approches mixtes peuvent être mises en place, avec notamment le développement de la fabrication de produits ou de services écosystémiques utiles aux communautés ou aux entreprises dès le départ, voire plus tard au cours du cycle de restauration. Généralement, de tels résultats économiques et sociaux garantissent la pérennité de l’intervention de restauration.
S’engager aux côtés des petits propriétaires et des communautés (PP&C)
Placer les PP&C au centre de ce standard est un principe incontournable. Ces groupes étant involontairement marginalisés par de nombreux développeurs de projets et systèmes de certification, le standard leur fournit des orientations pour améliorer leurs pratiques, rendre profitables leurs efforts de restauration et poursuivre leur ouvrage pendant le processus et également une fois le projet terminé. L’ensemble est organisé de manière flexible afin de contribuer à l’autonomisation des groupes tout au long du processus.
C’est le cas pour deux des projets communautaires audités récemment. Le premier en Bolivie, où l’appropriation collective a largement contribué à mettre fin à la dégradation causée notamment par les feux de forêts dans la Chiquitanía, et le deuxième au Kenya, où une bonne gouvernance a joué un rôle majeur pour réussir à contrôler les pâturages dans la région de Maasai Mara.
La dernière version du Standard de restauration des écosystèmes a été publiée par Preferred by Nature en 2022. Vous trouverez plus d’informations sur le standard ici.
Pour en savoir plus sur l’évaluation sur le terrain de la restauration des écosystèmes, veuillez contacter :
Mateo Cariño Fraisse
Manager du programme Utilisation des terres
Email: mcarino@preferredbynature.org