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Phil Guillery : que pourrait faire le FSC pour améliorer la traçabilité de la chaîne de contrôle ?

Par Karla Noemi López

Au cours de la dernière assemblée générale du Forest Stewardship Council (FSC), Phil Guillery, directeur exécutif de World Forest ID, nous a accordé un entretien pour expliquer la manière dont le FSC peut garantir la traçabilité dans sa chaîne de contrôle. Phil Guillery lutte depuis plus de trente ans contre l’exploitation forestière illégale, dont dix ans avec le FSC en qualité de directeur de l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement.

Quels sont les tendances qui ont cours actuellement pour améliorer la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement du bois ?

OCertainement l’utilisation du système blockchain, qui permet de simplifier la chaîne d’approvisionnement du bois et d’améliorer sa traçabilité. Grâce à ses enregistrements inaltérables, il est très difficile de manipuler d’importants volumes de matériaux certifiés contrairement aux systèmes de vérification papier qui sont beaucoup plus exposés à la fraude. 

Un autre moyen serait les tests scientifiques qui commencent à prendre de l’ampleur pour certaines marchandises. Il existe différentes techniques comme l’analyse des ratios d’isotopes stables ou les tests génétiques, voire la méthode des éléments-traces. Cependant, toutes ces techniques dépendent de la disponibilité d’ensembles de données. Dernier point, la disponibilité de ces ensembles de données constitue un point faible que World Forest ID essaye de corriger.

En combinant ces deux méthodes, le système des blockchains et les tests scientifiques, nous pourrions largement contrecarrer les fraudes et procéder à des essais aléatoires, comme ceux utilisés dans la lutte contre le dopage aux Jeux olympiques. Ainsi, personne ne saurait si et quand des tests auront lieu Cela permettrait de réduire les coûts, puisque tous les échantillons n’auraient pas besoin d’être testés, tout en incitant quand même les acteurs à la conformité.  

Et la dernière tendance que j’évoquerais c’est l’utilisation du machine learning, principalement dans l’analyse des données et la planification d’expéditions sur le terrain. Nous étudions comment s’en servir pour réduire le nombre d’échantillons nécessaires pour constituer des ensembles de données de référence. Cela permettra de diminuer les coûts et d’augmenter la précision des techniques scientifiques. Le machine learning offre un énorme potentiel que nous commençons seulement à appréhender et constitue sans aucun doute un secteur émergent à surveiller.

Le système de la chaîne de contrôle FSC a connu de nombreuses défaillances et difficultés. Quels sont les plans envisagés pour y remédier ?

Il faut souligner que les audits n’ayant lieu qu’une fois par an, les auditeurs ne peuvent vérifier qu’une étape en amont ou une étape en aval dans la chaîne d’approvisionnement. Il est donc compliqué pour eux de repérer ce qui s’est produit plus loin. Ils peuvent uniquement s’assurer que le produit est conforme à la déclaration qui l’accompagne. Le système actuel fonctionne bien pour la traçabilité interne, à l’intérieur d’une usine par exemple, mais pas pour tracer des produits le long de filières longues et complexes.  

Le FSC va devoir améliorer la traçabilité à l’intérieur de son système. Les systèmes de blockchain peuvent y contribuer. Le FSC a déjà mis en place des programmes pilotes qui y travaillent. Nous coopérons également avec le FSC pour introduire des tests scientifiques qui permettront aux systèmes de traçabilité d’ajouter un moyen de vérification de l’origine de la récolte. C’est-à-dire pour vérifier que la provenance du produit correspond bien à ce qui est mentionné dans la déclaration. En ayant recours à ces nouvelles technologies, le FSC peut renforcer son système de chaîne de contrôle et garantir une meilleure traçabilité.

Dans quel degré ces mesures ont-elles été appliquées par FSC pour pallier ces insuffisances ?  

Si j’ai bien compris, ces technologies sont actuellement en phase pilote. Par exemple, nous essayons, en coopération avec Assurance Services International (ASI) et FSC, de déterminer de quelle façon utiliser les tests scientifiques. Nous travaillons aussi ensemble pour savoir comment enrichir les ensembles de données afin que les tests puissent être étendus à l’ensemble du système.

Tout le monde est conscient des avantages que procure la possibilité de retracer l’origine du bois dans le système FSC. Cependant, quels sont les obstacles d’une application à large échelle et comment les surmonter ?

Cela nous ramène au projet de World Forest ID, avec le soutien du FSC et d’ASI, de créer les ensembles de données de référence nécessaires. C’est une entreprise ambitieuse, car idéalement il nous faudrait des ensembles de données de référence de toutes les essences de bois commercialisées depuis leur aire de croissance. Cela représente un nombre d’échantillons considérable qu’il faut prélever dans les forêts.

À mesure que nous collectons ces échantillons, nous devons veiller à ce que les données de références soient accessibles afin qu’ils puissent être utilisés largement et de manière crédible. Il faut quand même garder à l’esprit que la science et la technologie ont aussi leurs limites. Nous devons nous attacher à construire ces ensembles de données de référence et travailler avec un plus grand nombre de laboratoires.

Dans quelle mesure les nouvelles technologies peuvent changer la manière habituelle de réaliser des audits de la chaîne d’approvisionnement ?

Les audits conventionnels seront davantage axés sur le risque. L’auditeur pourra plus facilement assurer la traçabilité à long terme et vérifier l’origine du bois récolté. Les auditeurs pourront dès lors veiller avant tout à ce que des systèmes adéquats soient en place et se concentrer sur la traçabilité interne. Cela signifie surtout que la procédure d’audit sera plus rapide, moins chère et concentrée sur les risques potentiels.  

Le potentiel énorme du machine learning est destiné à faciliter, accélérer et diminuer les coûts de la vérification. World Forest ID s’y attelle actuellement. Nous cherchons à savoir comment le machine learning peut améliorer la science pour réussir à collecter moins d’échantillons et obtenir les mêmes, voire de meilleurs résultats produisant des effets plus efficaces. Nous essayons notamment de combiner différentes technologies, par exemple l’ADN et les données d’isotopes stables, et de voir si les ensembles de données existants nous apportent de meilleures réponses et nous aident à résoudre plus de problèmes.  

Cela, associé avec la science et une fois que nous disposerons des données de référence, permettra d'accélérer l'usage de ces technologies. Se pose alors la question de savoir si le machine learning va nous aider en matière de traçabilité, d’évaluation et de vérification. Va-t-il nous aider à identifier les risques ? identifier les tendances ? Nous dire où et quand les audits doivent avoir lieu.

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